jeudi 1 octobre 2009

El veredicto

Une chose tres importante que j'integre de mieux en mieux, et dont je voudrais que vous vous rendiez compte, c'est que la Colombie c'est Double-Face. Jusqu'ici on a vu pas mal de choses chouettes, de jolies fleurs, de papillons qui dansent le merengue et autres chontaduros. D'un autre coté, vous avez aussi fait la connaissance de la bande Pablo Escobar, guerrilleros, ladrones, frissons et compagnie. Mais je crois que je suis tombée dans le travers du touriste: ne parler que du visage enchanteur, ou ne parler que de la bosse pourrie dans le dos. A partir de maintenant on va essayer de regarder Double-Face sans cligner des yeux, ni se mettre de la peau de mangue dedans. ll faut mettre en relation les éléments des deux faces, parce que ce qu'on trouve si on plonge la main au fond du sac, c'est que les uns sont la cause des autres. C'est que si les Colombiens sont nonchalants et désanchantés, mais qu'ils mordent dans leur journée jusqu'au trognon, c'est parce qu'a coté le voisin mange déja les pissenlits par la racine. Mais c'est pas évident de comprendre ca comme un tout, de mettre en relation toutes les choses qu'on voit.

Il va falloir qu'on parle plus de cette bosse, donc. On ne peut pas essayer de comprendre comment la Colombie est belle, sans l'avoir regardée quand elle n'est pas belle.

Pour étrenner notre nouvelle non-touriste-attitude, on va aller là où ne vont pas les ptits Américains, ni les ptits Francais. Mais pas tous seuls. Je vous présente Alfredo Molano, essayiste et anthropologue d'ici, très reconnu. Il sillonne la Colombie, parle aux gens et rapporte des chroniques et des témoignages de ce qui se passe la-bas très loin dans ces régions reculées, et aussi dans les villes, tout près.

On va faire comme ça: je vous traduis un article paru dans El Espectador de Bogota il y a 10 jours, et je vous explique le mieux possible tout ce dont il parle.

Le verdict

DANS UN ENDROIT DE LA GUAJIRA, dont je ne dois pas me rappeler le nom, il y a peu de temps, arriva ce que je vais vous conter.
A trois heures de l'après-midi arrivèrent à la ranchería cinq alijunas, c'est-à-dire, des gens qui ne sont pas nés de mère wayúu.
Les wayúu, c'est une tribu indigène qui vit dans la Guajira. C'est ce machin vert, tout là-haut.



Et les rancherías, c'est ça: de grandes maisons perdues dans un désert d'âmes, avec des gens qui fabriquent et traficotent Dieu sait quoi, et arrivent à en vivre plutôt décemment.

Ils demandèrent de la bière glacée et de l'essence, sans saluer. La première chose est habituelle, la seconde, une offense. Ainaka les servit, une femme jeune, jolie, vêtue d'un manteau jaune brûlé. Elle resplendissait. Elle s'ornait souvent de parisi, un champignon qui prévient les brûlures du soleil. Son mari parcourait la basse Guajira comme trafiquant. Il est commerçant: il emmène des chèvres et il rapporte du fil Carmencita avec lequel sa femme tisse de chinchorros et des mochilas.

Les chinchorros: ce sont des hamacs.



Les mochilas: tout le monde a sa mochila ici, super pratique, tout rentre dedans et ça ne se casse jamais.



Elle servit les tonitruants étrangers deux tournées de bière sans croiser leur regard. Non par honte, mais par superbe. Ils buvaient en se balançant sur des chaises de bois appuyées contre un mur blanc. La chaleur semblait enracinée dans le sol. De temps en temps soufflait à peine une petite brise, qui leur soulevait les plis de la chemise à demi-déboutonnée et découvrait les pistolets qu'ils portaient.

C'est là qu'on comprend de qui on est en train de parler. Les narcos ont du style ici, et tous le même. Si vous en croisez un, dites-lui "¿qué hubo?" de ma part (c'est une manière de saluer), vous ne pourrez pas les rater. Ils sont petits, gros, gras, vulgaires, fument un cigare de la Havane, ouvrent à demi leur chemise histoire qu'on voie leur torse de mâles virils, et accessoirement leur chaîne en or massif, portent le pistolet à la ceinture (mais il est caché par les plis de leur bedaine) et sont accompagnés de la femme la plus spectaculaire que vous ayez jamais vue, parce que c'est celle à qui il reste le moins de parties originales. (Quand on a les moyens, on va pas se priver, après tout elle ne dit pas non à un peu de silicone par-ci par-là, ou partout).

Quand le soleil déclina, s'en vinrent des amis à elle, qu'elle salua d'un ¡ waré ! amical. Mais ils ne demandèrent pas de la bière, sinon une bouteille d'Old Parr (c'est du whisky) qu'ils burent nature, à petites gorgées, dans des coupettes de plastique en renversant la tête en arrière. Les alijunaes et les wayúu ne se regardaient pas: ils s'observaient, se surveillaient, s'étudiaient. L'air était pesant. La jeune femme baissa la grille de la vitrine et continua à servir, défiante. Les alijunas demandèrent de la musique. Un tourne-disque gigantesque commença à faire entendre des vallenatos en boucle.

Le vallenato, ce sont des chansons du nord de la Colombie, qui ne parlent que d'amour, et qui se dansent très, très serrés dans une ambiance tamisée à la bougie avec une odeur de rose flottant dans l'air. Idéalement, bien sûr. Faute de mieux, ça marche aussi dans les discothèques, juste après un reggaeton brûlant. Mais ça, je vous en parlerai une autre fois.

Cela ressemblait à une trêve. Le whisky réchauffait les viscères, la bière déliait les langues. Provocateurs, les étrangers demandèrent aussi de l'Old Parr. La jeune femme refusa avec un non qui sonna comme un coup de feu, un frontière entre ceux d'ici, et ceux de là-bas. Ils insistèrent avec une tirane paisa qui était presque une déclaration de guerre. Ainaka, en silence, ferma les portes de la boutique. Les wayúu en silence se retirèrent l'un après l'autre. Les alijunas restèrent. Ils allumèrent la radio de leur camion à plein volume et au lieu de vallenatos mirent des corridos norteños.

Ca, c'est la musique officielle des narcos. Elle leur serine avec complaisance que c'est eux les plus beaux, les plus forts, les plus riches, les plus extraordinaires de tous. Puéril, peut-être, en tout cas véridique.

Ils débouchèrent une bouteille de rhum. Une heure plus tard, il n'y avait plus d'alcool. Ils cognèrent aux portes de la boutique. Ils cognèrent encore. Ainaka ouvrit une petite fenêtre. Un bras puissant parvint à l'attraper par le cou: Tu vas nous servir, ou non? Silence. Une autre main rapide fit étinceler un couteau. Le sang d'Ainaka jaillit sur l'assassin.


Oui, ça n'a ni sens ni fondement. On l'a pas vu venir. La raison profonde, c'est que la Guajira est pleine de terres inoccupées, ou seulement par les tribus. Pour les narcos, c'est un territoire à s'approprier pour agiter leur hochet de pouvoir au nez des gens. Ils faut qu'ils se sentent maîtres pour se sentir bien.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que quand on est narco, on sait que, peu importe de quelle façon, on va finir mal. Alors vous comprenez, la vie, il faut l'aplatir sous ses pieds pour bien montrer qu'on l'a dominée quand on était au faîte.


Le vent salé réveilla le village. Les cris retentirent de tous côtés: "Ils ont égorgé Ainaka! Ils l'ont égorgée!" La vengeance s'attroupa. Les longues armes se chargèrent. Les portables sonnaient. Toutes les rancherías restaient en alerte: cinq paisas ont tué une wayúu. Les petits chemins se fermèrent. Les paisanos mourraient d'une balle ou ils mourraient de soif. Près d'une salineta, à côté d'un cimetière, le piège était armé.
Vous voyez ces grands amas de sel? C'est ça les salinas. Una salineta, c'est une petite salina. L'exploitation du sel est l'activité économique la plus importante dans la région. Les Wayúu ont proclamé Manaure (une partie de la Guajira) leur territoire ancestral. Le gouvernement le leur a reconnu en 1991 et a conclu un accord qui organise la production et le travail sous un régime d'économie mixte, où les indigènes ont droit à 25% des stocks de la compagnie SAMA: Sociedad Salinas de Manaure. Le gouvernement leur a fait pas mal de misères pour appliquer leurs droits en pratique, bien sûr, mais finalement ça s'est arrangé avec une loi en 2002 qui distribue les gains.
Les cinq hommes perçurent l'embuscade. Dans un virage, le camion se renversa et resta les quatre fers en l'air. La chaleur pressa les assassins, jusqu'à ce qu'ils sortent respirer. Les wayúu les regardaient. Ils regardaient, seulement, avec mille yeux. Le soleil fit de même. A deux heures de l'après-midi les couteaux se plongèrent dans les jugulaires des alijunas. Las alaulayuu, les autorités les plus respectées, donnèrent leur verdict: "Les femmes et les enfants ne se touchent dans aucune guerre; les paramilitaires ne pourront revenir traverser Cuatrocaminos pour aller au nord".

1 commentaire:

  1. "C'est que si les Colombiens sont nonchalants et désanchantés, mais qu'ils mordent dans leur journée jusqu'au trognon, c'est parce qu'a coté le voisin mange déja les pissenlits par la racine."...l'arrogance totale!! vous êtes française, chauvin comme d'hab et vous venez dans un pays critiquer sans regarder la pédophylie chez vous, les prostituées à Nice, le danger en banlieu parisien et dans les grandes villes, que parfois vous pouez des aixelles; les vieux qui fouillent les poubelles en France...vous traitez cette culture en Colombie comme des gens sous-developpés...un peu de respet comme même!!!!vous êtes une inculte ! et je suis une colombienne fière de l'être et de montrer le bon coté des choses, même de votre chère France ou on s'intègre chère arrogante....on ballait d'abord devant sa porte avant de critiquer d'autres cultures. Pays des droits de l'homme!!ja!!ça me fait rire : racisme, politique presque fachiste, ministre pédophyle qui paye les petits en Thailande...et vous?? on vous traite de pédophyle aussi sans pourtant l'être?? ouvrez votre pensée!!!!

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