vendredi 30 octobre 2009

Les femmes de Cali...

... sont commes les fleurs. ¡Las Caleñas son como las flores!

Et pas les ptits pissenlits sur le bord de la route, attention: je vous parle de roses et d'orchidées. C'est sophistiqué, ça ne sort pas de son globe de verre si un de ses pétales est froissé, ça se recoiffe à intervalles d'environ 40 secondes d'un geste étudié de la main (le geste peut se prolonger pour faire tomber gracieusement-par-inadvertance la bretelle du haut sexy, mais c'est pas grave parce que les cheveux retombent en boucles sur l'épaule dénudée), et ça a une idée très précise de ce que la Francesita (la petite Française) devrait faire pour s'arranger un peu (vous êtes assis gentiment à bayer aux corneilles en sirotant votre jus de guanabana, et de nulle part vous tombe dessus l'orchidée* en question: "si tu veux, demain tu viens chez moi, je te lisse les cheveux et il faudrait changer tes sourcils aussi!").


* à propos, l'orchidée est un des symboles de la Colombie. Tout concorde.


Je me moque un peu, mais en vrai elles sont impressionantes. C'est vrai qu'elles se préparent pendant 2h, mais c'est rentabilisé: quand elles sortent de la salle de bain, ce sont des créatures de l'autre monde, les plus parfaites qu'il vous ait été donné de voir. Et comme c'est quand même des Colombiennes, elles ne gardent pas ça pour elles: elles veulent absolument faire de vous leur oeuvre d'art. Sans crier gare, on devient leur proyecto especial (projet spécial).



C'est comme ça que je me suis retrouvée dans un salon de beauté, sous l'oeil attentif de ma prof d'espagnol, avec deux poupées qui papillonnaient autour de moi, une pour les pieds, une pour les mains. Quand on vous fait les ongles ici, on ne se contente pas de les vernir d'une couleur ou d'une French manucure. On fait tout ça, ET on vous peint délicatement les pétales d'une fleur exotique dans le coin en bas à gauche de l'ongle, un doigt sur deux; seulement sur le pouce pour les pieds. Il y a des centaines de modèles et si vous combinez les couleurs, les possibilités sont vertigineuses.

Et ça donne ça:





On ne voit pas bien les fleurs, la faute à la sensibilité de mon appareil. Mais vous pouvez apercevoir ce raffinement de détail, qui est la règle d'or de la beauté colombienne.

Et puis quand on a la flemme de sortir par 35degrés à l'ombre pour aller se faire pomponner, on peut toujours le faire chez soi, et ça donne à peu près ça!

mardi 20 octobre 2009

Et l'ICESI a quasi fait la Révolution (quasi)

Il y a quelques jours, grande émotion a l'ICESI: un pamphlet de protestation a fait le tour des boites mails des étudiants en Humanités (Sciences Politiques, Sociologie, Anthropologie, Psychologie) en soulevant l'écume. Qui n'a pas éclaboussé le reste des facultés: économistes, biologistes, médecins, eux n'ont rien vu, rien su. Mais je ne vous raconte pas le frisson parmi nous autres.





Beaucoup de bruit pour rien, si on me demande mon avis. Mais que je vous explique:


Cette année, l'université féte ses 30 ans. Et c'est la grande fiesta, on a célébré pendant toute une semaine. Le clou des réjouissances: le vendredi, Monsieur Alvaro Uribe, le controversé président, est venu inaugurer le nouveau batiment de la faculté de médecine (la peinture venait juste de sécher) et boire un petit coup avec la jetset de l'ICESI, derriere son mur de 500 militaires armés jusqu'aux dents.




Le jeudi, je bullais tranquillement dans les jardins ensoleillés en papotant avec les gens. (J'ai un trou de 5heures, c'est mon espace socialisation-colombianisation, comme les mardi, et les lundi aussi :D) Arrive Alejandra, l'air préoccupé.


- Tu as lu le mail anonyme qui nous est arrivé hier? le pamphlet?
- (moi, plissant le front sous l'effort) aaaaah oui oui, j'ai vaguement lu quelque chose qui protestait parce qu'on nous vire de l'Université demain, pour faire de la place a Uribe. Pourquoi?


- Felipe, Maria, Hassan et d'autres sont dans le bureau du directeur en ce moment. On va peut-être les virer de l'Université.

- (moi, dans la plus totale incompréhension) Meuh... pourquoi?
- Pour tentative de soulèvement des étudiants. Ils ne t'ont pas fait signer une protestation ce matin?


Arrive Marcela, toute excitée.


- Je reviens du Samán (ca c'est l'arbre qui est au centre de l'université, et le centre du papotage institutionnalisé.) Tout le monde est super inquiet, ils disent que demain des étudiants des autres universités vont débarquer ici et que tout le monde va protester en face des militaires contre la venue d'Uribe.


C'est la que j'ai commencé a m'inquiéter. Quand on dit "les autres universités", ca veut dire l'Uni Valle. L'Universidad del Valle est une bonne université publique, a 15 minutes de l'ICESI.


Et la-bas, c'est des fous.

Les étudiants sont toujours en train de manifester et de faire la greve pour quelque chose. Comme a Nanterre, oui. Sauf qu'ici, les étudiants jettent des pierres et des papas bombas (bombes pomme de terre, des petites bombes artisanales, mais qui explosent comme n'importe quelle bombe). Sauf qu'ici, on les mate en donnant l'assaut des forces militaires. Souvent, les militaires y vont à coup de crosse, y compris sur les filles. De temps en temps, des étudiants restent morts dans les mêlées. Une fois, (mais c'était il y a une dizaine d'années) les militaires ont forcé l'entrée de l'université pendant une manifestation, ont tapé sur tout ceux qu'ils trouvaient, ont traqué les gens dans l'université et à l'extérieur, en leur demandant de sortir leurs cartes d'étudiant, et ils en ont emmenés pas mal en voiture à l'extérieur de la ville. Il y en a qu'on a jamais revu.



La raison, c'est que des guerrilleros s'infiltrent dans l'université pour répandre leurs idées révolutionnaires. C'est la raison officielle, en tout cas. Ce qui est vrai, c'est que des tracts provenant de la guérilla sont lancés quelques fois dans l'université. Ce qui est faux, c'est que la guérilla ait aujourd'hui aucune sorte d'idéologie construite à répandre. Si à ses débuts elle a eu un discours communiste qui tenait à peu près debout, maintenant, c'est business as usual. Il n'y a plus rien qui soutienne leurs réclamations.





Pour en revenir à l'ICESI, l'idée de voir débarquer une manifestation menée par l'UniValle alors que les militaires étaient déjà groupés sur place, forcément, a provoqué un émoi.



On a passé l'après-midi à en parler, à essayer de savoir ce qui se passait vraiment dans ce bureau en haut, à faire des pronostics pour Felipe, Maria et Hassan. Mais plus on parlait, plus je me tranquillisait, parce qu'en réalité il n'y a jamais eu une once de début d'organisation pour manifester quoi que ce soit. Et en plus, on ne vire pas des étudiants d'une université pour avoir fait circuler une opinion politique, fût-ce dans un courrier anonyme appelant vaguement à l'action. Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes.



Et vers 17h, Hassan nous a rejoints, tout guilleret: ils avaient juste passé l'après-midi à débattre de la venue d'Uribe. Pas l'ombre d'une menace de renvoi, bien sûr. On a continué à parler; le problème c'était qu'on mélangeait 2 choses.



D'abord, la protestation contre le fait qu'on nous virait de l'université pour la célébration des 30 ans de l'ICESI, parce qu'Uribe venait.

Ensuite, la protestation contre la venue d'Uribe, tout court.



De ces deux choses l'une:

Si on nous a interdit l'entrée à l'université, c'est pour des raisons de sécurité. Uribe est venu, donc, logiquement, sa clique de gros bras aussi. Ce n'est pas bien grave et ça se justifie.



Ensuite, est-ce que c'est bien qu'Uribe soit venu à l'Université? Parce qu'il ne s'agit pas de protester pour protester, juste parce que c'est Uribe. Cherchons les raisons.



Je crois que, à l'origine, ça se réduit à une question de sous. L'ICESI ne génère pas de profits. Ce sont des entrepreneurs privés qui l'entretiennent depuis 30 ans; c'est avec leur porte-monnaie qu'on a fait ce beau bâtiment pour la fac de médecine, avec le jardin de palmiers fleuri et la cafétéria qu'il y a devant. Alors pour les 30 ans, c'est normal qu'on les invite à inaugurer le bâtiment, histoire de leur montrer ce qu'on fait de leur sousous; et puis pour leur faire plaisir, on invite le président. Ca donne du cachet et tout le monde est content.



MAIS: on est en période de campagne électorale pour la présidentielle. Et ça, c'est important. Uribe a déjà fait deux mandats. Pourquoi est-il controversé? parce qu'il a des tendances belligérantes: il règle tout par la force. N'empêche qu'il a réussi à faire reculer la guerrilla et le narcotrafic et à tuer des leaders importants pendant les huit dernières années, comme personne ne l'avait fait.

Actuellement, la Constitution colombienne interdit à un président de se représenter trois fois de suite. Qu'à cela ne tienne: un référendum va bientôt être proposé aux Colombiens pour savoir s'ils veulent changer la Constitution, et lui permettre de faire 3 mandats. On va voir ce qu'il va sortir...



Toujours est-il que l'ICESI a bonne réputation régionalement. C'est une université privée, très coûteuse, qui forme la future élite dirigeante colombienne. La présence d'Uribe dans ses murs (même si on en a viré les étudiants) peut donner l'impression qu'il a l'appui de l'opinion universitaire ICESI, et ce n'est pas négligeable pour se ménager l'électorat dans le Valle del Cauca (la région dont Cali est la capitale).



Finalement, rien n'est sorti de toute cette agitation. On est tous rentrés sagement chez nous le jeudi soir et personne ne s'est bougé jusqu'à l'université pour jeter des brins d'herbe au nez des militaires.



Mais il y a quand même une bonne raison pour laquelle tout le monde s'est monté la tête: c'était la première fois en 30 ans qu'il y avait un débat et une protestation politique de la part des étudiants au sein de l'ICESI. Et ça me paraît un bon point qu'ils commencent à prendre position sur les sujets chauds en politique, dans le cocon molletonné et respectueux d'une université privée où les gens sont raisonnables.

Une colombianada, c'est ca

... C'est-a-dire, un truc que vous ne verrez qu'ici.

Tout a l'heure je déjeunais avec Juan: pas mon coloc, Juan David, que je vous ai présenté, mais un autre Juan. Juan David, Juan Sebastián, Juan José, Juan Camilo, ici tout le monde s'appelle Juan. Et de quoi sert donc le deuxieme nom de ces messieurs, me direz-vous? Distinguons-les de la sorte.

Que nenni! j'ai essayé, il n'y a rien a faire: c'est Don Juan pour tout le monde, qu'il y ait des jupons a soulever dans les parages ou non.

Je déjeunais avec Juan, donc, et je ne PEUX pas garder cette histoire pour moi:

Une petite anecdote pour se mettre en jambe:
un de ses amis marchait dans la rue, et arrive un gars qui lui demande de lui filer tout ce qu'il a sur lui. L'ami lui retourne ses poches et lui explique qu'il vient de dépenser son dernier centavo dans la glace qu'il a dans la main. Eh bien le voleur lui a piqué la glace.


Et maintenant, la vraiment bonne histoire:


Un de ses amis marchait dans la rue, et arrive un gars, qui lui prend son sac, son portefeuille, sa veste, sa montre, en gros il lui laisse la chemise et le pantalon. Normal. Le pauvre diable n'a plus de quoi prendre le bus pour rentrer chez lui; c'est aussi normal.

Le voleur le prend sur sa bicyclette et le ramene jusqu'a chez lui.

Et c'est aussi normal.

mercredi 14 octobre 2009

¡CALI PACHANGUERO!

Et qu'est-ce qu'on fait, à Cali? on fait la fête. CALI FETARD!!

Mais attention, pas tous les jours: ça c'était avant, quand les narcos faisaient encore crisser les pneus de leur Mercedes sur les cailloux des rues attentives à travers le rideau. Dans ce temps-là (il y a dix ans, en fait), les gens ont arrêté de travailler, ont noyé tout leur argent dans une mare sale d'aguardiente, et ont dansé la salsa jusqu'à se faire descendre comme des chiens à la porte de la discothèque. C'est dans ce temps-là que Cali a poli et ciré sa réputation de ville de perdition, de tous les moyens possibles.

Et encore avant, il y avait le Cali travailleur. C'était quand les gens n'avaient pas beaucoup de moyens, mais qu'ils avaient envie d'y arriver. Alors ils travaillaient. Dans ce jadis, ils faisaient aussi la fête, parce que ça c'est dans leur sang. MAIS c'était le week-end, et on pouvait prendre une cuite monumentale à l'aguardiente, à l'arrechón ou a lo que sea (peu importe quoi), le lundi matin à 7h le Caleño était au bureau, la cravate et les fesses bien serrées, comme si jamais ne l'avait caressé l'idée de la rumba (la fête, et il était temps que je vous enseigne ce mot-là).


Maintenant, on va sur 2010. Les choses ont changé. Qu'est-ce qu'on fait? On fait la fête, bien sûr. Mais on s'est remis à bosser. On a moins peur de finir dans un caniveau, alors on fait la fête avec moins de secousses desespérées. Et on fait la rumba seulement le week-end, pareil que les grands-pères. (Oui, les grands-pères ici dansent la salsa comme personne.) Je vous emmènerais bien danser, mais il va falloir que vous vous y mettiez, moi j'ai pris pas mal d'avance ici. (Merci Gio).
Et le premier pas pour danser, c'est écouter la musique. Je vous présente la chanson la plus écoutée en ce moment dans les rues, discothèques, viejothèques (discos pour vieux ;) et chiquithèques (discos pour les p'tits!)* : l'immense succès du groupe Niche, la salsa hymne à Cali:
¡¡¡¡ CALI PACHANGUERO !!!! Avec en prime des photos de la ville, puisque je ne peux pas vous en donner moi-même. Et, dans le souci de votre carnet de vocabulaire: la pachanga c'est aussi la fête.

*véridique. Quand je vous dis qu'ici on danse du berceau à la tombe. Comment voulez-vous rivaliser?!




Et puisque que je vous aime bien malgré tout, je vous traduis même les paroles:

Cali fêtard, Cali lumière d'un nouveau ciel

De lune romantique, l'étoile est emplie
De regarder dans ta vallée la femme que j'aime
Du chardonneret qui chante, les rues qui se lève
Carnaval à Juanchito tout un peuple qui inspire

C'est pour ça que j'espère que les jours où, loin
Quand dure mon absence tu saches bien que je me meurs
Tous les chemins conduisent à toi
Si tu savais la douleur que j'ai sentie un jour
Quand en face de moi je n'ai plus vu tes montagnes.

Que tout, que tout, que tout, que

REFRAIN
Que tout le monde te chante
Que tout le monde te gâte
Je suis jaloux de toi pour que tu me regardes
Je ne partirais pas pour des milliers.

Permets-moi de me repentir oh
Ma belle Cendrillon
A genoux ma présence
Si mon absence fut ton outrage.

Quelles nuits, quelles nuits si jolies
Siloé dans ses petites rues
Au fond ma vallée qui rit
Ay! tout se divise

Un classique dans le pascal
Décoré de femmes hors pair
América et Cali en compétition (ça ce sont les deux équipes de football, éternellement rivales)
Ici rien n'a d'égal.

Barranquilla porte de l'or
Paris la ville lumière
New York capitale du monde
Du ciel, Cali la succursale

A des milles je sens ton arôme
N'importe qui de sensé raisonne
Que Cali est Cali, mesdames et messieurs
Tout le reste n'est que colline!


Et qu'on se le dise.

mardi 6 octobre 2009

San Cipriano: le choc

Aujourd'hui c'est dimanche: c'est parti pour la promenade familiale dominicale (et en plus, je fais des rimes). A gauche, Juan (mon coloc') et Felipe (qui vit littéralement ici, même s'il a une maison à 10 minutes à pied). On pourrait croire que nos deux hommes nous attendent pendant qu'on se fait une beauté à rallonge enfermées dans la salle de bain, mais détrompez-vous. Ceci est l'attitude très reconnaissable du Colombien sur les startings-blocks, au moment de partir en excursion, que tout est prêt, et qu'on n'attend plus personne que lui; mais à son esprit tranquille et détendu ne vient même pas l'idée de sortir de la maison. Camille et moi, on en était à la phase où on les regarde fixement sans rien dire jusqu'à ce qu'ils se décident à bouger :)
La destination: San Cipriano. Notre ticket de bus, 4 personnes au nom de Camila y Compania (touche perso du gars-qui-vend-les-tickets).


Pour votre orientation. A gauche c'est l'océan Pacifique, en bas à droite Cali, et en haut San Cipriano, à la porte de Buenaventura (la ville tout au bout de la ligne rouge. On ne voit pas très bien mais c'est pour que vous ayez une idée). C'est à peu près 3H de bus, paysages magnifiques tout du long bien entendu, surtout de la montagne. Le trait violet, c'est nous ;)

Le bus nous a largués sur le bord de la route, près d'un chemin qui descendait qui descendait qui descendait dans une semi-jungle d'arbres bizarres et de plantes très vertes. On avait à peine mis un pied sur la route, que cinq grands Noirs baraqués nous sont arrivés dessus, nous ont entourés tous les quatre, et parlaient tous en même temps (mais surtout à Felipe, parce que Juan a l'air d'un Américain quand il marche à côté de nous. Ils lui disent Gringo à lui aussi).


Là, il faut que je fasse un aparté pour vous expliquer où on va. La côte Pacifique, c'est particulier. Ils sont TOUS noirs, descendants d'esclaves, il n'y a quasiment pas d'immigration noire en Colombie. Comme vous voyez (un peu) sur la carte, les routes ne fleurissent pas. Et encore, San Cipriano et Buenaventura appartiennent au Valle del Cauca, la région de Cali; un peu plus haut, c'est le Chocó. Le Chocó, c'est la jungle sauvage, aucune colonisation du territoire, pas d'infrastructures, juste des Noirs dans des cabanes de bois, qui vivent Dieu sait comment, et sont heureux comme ça. Et c'est bien là le problème: ils sont heureux, les bougres. Du coup, le Chocó est devenu l'un des majeurs problèmes économiques de la Colombie, parce qu'ils ne font rien là-bas, pas d'entreprises, pas de commerce, seulement de la musique. Et ça, je vais vous en reparler bientôt.
Pour revenir à notre comité d'accueil, ils étaient super sympas, une fois calmée la petite panique quand ils ont fondu sur nous. Ils ont surtout impressionné Camille, parce qu'ils la regardaient plus avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Amiguito nous a même emmenés à pied jusqu'au prochain village, d'où il faut partir pour atteindre San Cipriano.


Amiguito, c'est le diminutif de amigo, ami. Ici on appelle amigo quelqu'un qu'on ne connaît pas, et on le tutoie bien sûr. On l'appelle amiguito si c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas et qu'il nous fait une faveur. Ca sonne un peu féminin de dire amiguito, ce sont surtout les femmes qui l'utilisent, mais je l'ai entendu dire à Juan et à Felipe.
Ici, c'est moi qui vais vous demander une faveur. Il faut que vous vous imaginiez le village, sans photos. Pourquoi? Pas que ce soit dangereux ici (en tout cas, certainement pas plus qu'à Cali). Simplement, c'est la première fois que j'ai senti ce qu'on veut dire par "dépaysement". On est arrivé dans ce village: deux rangées face à face de maisons de bois et de béton qui tiennent à peu près debout, de la boue, des palmiers, des moustiques, et des Noirs, tous dehors, qui vendent des chontaduros* et des déjeuners (typique: poulet, riz, salade, plátano = une grosse banane, pilé et frit, et des pois chiches). Mes trois compères sont allés s'asseoir sous un toit de tuiles, mais moi je voulais me promener. Je m'éloigne, je marche le long des maisons; je regarde; on me regarde; et tout d'un coup, le choc me tombe dessus: je me sens étrangère. Mais très étrangère, comme si je n'avais rien à faire ici, et je n'avais jamais rien vu comme ça. C'est là que je ferme les yeux, et j'espère très fort que quand je les ouvrirai, ma peau sera noire.
Ca n'a pas marché. Je suis revenue illico et j'ai demandé à Juan de venir avec moi. Il a peut-être l'air américain, n'empêche qu'il est Colombien et que je me sentais moins hors de ma place. Les gens vivent uniquement du tourisme, ici, et surtout de la brujita (je vous explique ça tout de suite): quand ils vous regardent, on voit s'aligner les chiffres parce qu'ils calculent combien de jours il vont manger avec ce que vous dépenserez.

*dé-li-cieux. Je retire toutes les horreurs que j'ai pu dire sur ces merveilles, c'est juste que je n'en avais jamais goûté de bon. Je crois même que je suis en train de développer une obsession... et ça ne fait rien, parce que ça se trouve à tous les coins de rue pour 1000 pesos!


Maintenant, laissez-moi vous présenter le moyen de transport local. En arrivant dans le village, vous aurez peut-être remarqué qu'il est construit le long d'une ancienne voie de chemin de fer. Et dessus, voilà la brujita. Impossible à traduire, c'est un mot de là-bas. Je vous explique le concept:
Vous fabriquez une plateforme avec des planches en bois. Dessus, vous fixez sommairement deux bancs en bois. Et sur un côté, vous attachez une moto: seule la roue arrière touche le rail, la roue avant est posée sur la plateforme. Ca y est! On empile les gens sur les bancs, on démarre la moto, et c'est parti. Sur la photo, Felipe et Camille, et dans le fond amiguito! Il nous a accompagnés sur la brujita. Le chemin qui s'ouvre. On va quitter le village, et traverser la quasi-jungle pour aller jusqu'à San






Cipriano. Une vidéo rapide, pour que vous vous fassiez une idée...Zzzzzzzou! Les cheveux dans le vent, photo prise à la va-vite. C'est Juan, dans le fond.
Et la promenade commence. On suit le fleuve, sur les rails. San Cipriano est à une petite demi-heure d'ici, prenez votre temps pour regarder.
On est à califourchon sur le banc, tous les uns derrière les autres, avec amiguito et le conducteur de la moto qui veillent au grain.
Ils sont deux, le conducteur et amiguito, et pour une raison bien simple.

La voilà: il n'y a qu'une voie. Mais de brujita, bien plus qu'une, ma mie. Ca se passe comme ça: dès qu'on voit se profiler au loin la silhouette d'une brujita concurrente, on ralentit à la seconde même. On se rapproche l'un de l'autre tout doucement, et on se regarde. On se jauge, en fait: lequel va devoir descendre et enlever la brujita des rails pour laisser passer l'autre?
Nos p'tites peaux blanches de touristes nous ont valu le privilège de passer en priorité plusieurs fois: la majorité des gens qui utilisent la brujita sont ceux d'ici, qui vont d'un village à l'autre. Mais à un moment, une brujita-camion de déménagement est arrivée: ils étaient tous entassés sur des meubles et des matelas. On est descendus, et amiguito et son pote conducteur ont enlevé la brujita. Et c'est pour ça qu'il faut toujours être deux, parce qu'on ne va pas laisser ces gens s'en occuper, ils pourraient nous la casser.


¡El paseo se acabó! (La promenade est terminée!) On est à San Cipriano, tout le monde descend. Pas de photos du village; réclamations/plaintes/souhaits: voyez au-dessus... Moi, je trouve ça vraiment difficile de sortir l'appareil et de shooter tout le monde au flash à tous les coins de bosquet de palmier; déjà on a des photos du paysage, c'est pas mal!

On risque un coup d'oeil entre les arbres? La végétation est très dense et très humide, et complètement désordonnée. D'un autre côté, tout le monde ne trouve pas de charmes à la géométrie de Le Nôtre.



N'oublions pas qu'ici, c'est le pays des papillons. Ils nous tournent autour sans arrêt... ILS BATIFOLENT! (mais, chuuuut!)


Ca fait beaucoup rire Felipe quand on se met de la crème. Mais pas d'illusions, vous n'y échappez pas non plus, parce que maintenant on descend dans les charcos (les lagunes) pour se baigner dans le fleuve!! Laquelle vous tente? Si celle-là ne vous plaît pas, on continue à marcher tout droit, il y en a tous les 100mètres. Je vais en éclaireur.

J'en ai trouvé une qui me fait les yeux doux: "En traversant le fleuve, vous aurez une aventure éprouvante" dit le panneau en bois déglingué sur la route... Tss- pas de discussions, je suis déjà en bas de toute façon. Vous me rejoignez, ou vous allez rester en haut??
Làà, ça valait le coup, regardez l'eau si cristalline. On voit le plus ptit poisson se faufiler entre les pierres.

Zou! à la flotte, pas de chichis. Mais attention en nous rejoignant... Regardez, là je suis debout et j'ai de l'eau jusqu'à la taille. Elle est fraîche, elle est douce, elle est transparente. Cependant, vaillants camarades, c'est pas si facile d'accéder aux délices de la lagune. Il va falloir, avant de vous y abandonner avec volupté, que vous passiez l'épreuve suprême: traverser le petit bras de fleuve qui vous arrive à peine aux chevilles. Ouioui, juste là.

Eh ben voilà, je vous avais prévenus. Comme terrain, c'est encore plus glissant que les déjeuners chez les beaux-parents. Vous pouvez essayer toutes les techniques, mais d'expérience, le mieux c'est encore d'avancer sur les fesses en vous aidant de vos quatre paturons.

Quelques fois, il faut sacrifier l'élégance sur l'autel périlleux des lagunes.
(J'ai la veine poétique aujourd'hui. Prenez note, je vous prie).

Houlà... C'est beau de patauger, les enfants, mais je crois que voilà notre "aventure éprouvante". On traverse?
...

...


Pffffffffffffff. Nous voilà de l'autre côté. Je vous passe les péripéties, d'ailleurs vous m'avez bien regardée assis tranquillement sur votre caillou. Je ressors de là en ayant appris quelque chose: l'espace d'un instant, en galérant dans le courant pour ne pas me laisser entraîner, j'ai entrevu ce que ça doit être quand on comprend qu'on va se noyer. J'avoue que j'ai failli paniquer, c'est crevant de lutter comme ça, même avec Juan pour me retenir (il avait des chaussures, lui.)
Et on continue. En paréo, il pleut un peu mais on est trempées de toute façon. Et avec cette chaleur, la pluie est délicieuse... Et vous savez ce qui est délicieux, aussi? L'arrechón, la crema de biche et le guarapo. On a rencontré amiguita, qui vendait les trois. Elle nous a fait un mélange des deux premiers: ce sont des liqueurs mélangées avec de la crème, un régal. Et le guarapo, c'est juste le jus qui sort de la canne à sucre, pur. Ca passe très bien aussi.

Nos deux hommes, dans un autre étang. Juan a de l'eau jusqu'à la taille là où il est, et de là où Felipe est, il peut plonger sans aucun problème. Et moi je suis sur un tas de cailloux au milieu de la lagune. Et je patauge.

16h: il faut penser à déjeuner. On cherche le prochain village: et voilà.
Doña Filo (cette aimable matrone, juste devant) avait exactement ce dont on a envie quand on est mouillés et qu'on a marché et nagé dans le courant: un sancocho. C'est une soupe, mais bien plus qu'une soupe. On peut la faire avec du poisson ou de la poule; on y met des pommes de terre, du manioc, du mais, des légumes verts, et du cilantro (c'est de la coriandre! je n'arrivais pas à retrouver l'épice en français. Maintenant vous savez de quoi la Colombie a goût).
Et dans la maison d'à côté, ils font la fête! Ils étaient tous à l'étage supérieur, ils jouent de la musique et ils dansent. J'avais envie de monter, mais j'ai pas osé. La musique était géniale; mais Camille n'a pas pris de film trop long non plus. Ca vous donne une idée...
Felipe aussi a l'âme artistique, de temps en temps.

En remontant le chemin, pour chercher un bus qui nous ramène à Cali. ¡El paseo se acabó!

Me fondre dans la masse: checked

La pensée du jour:

Les Colombiens ont développé un radar détecteur d'étrangers extrêmement efficace. Sérieusement, vous avez beau pas faire de bruit et regarder vos lacets, dans le bus même la petite grand-mère du fond elle vous repère avant que vous ayez eu le temps de dire marica.

Et pourtant: il y a une faille au système. Il est possible de confondre leur radar en envoyant des signaux mixtes, qui brouillent leur sensibilité.

La botte secrète du caméléon à Cali, je vous la donne parce que c'est vous: le jean.

Ca a l'air bête comme ça, mais si je mets un pantalon x ou, pire que tout, une jupe (quelle idée, pourquoi mettre une jupe? On me l'a demandé, textuellement. Allez savoir) le premier désoccupé que je croise me lance "Ho Gringa! Casarme contigo!" (L'Américaine! Me marier avec toi!). Si je porte un jean, on me parle espagnol et on me demande son chemin.

Moralité: Mr Lewis est en train de se gonfler d'orgueil dans sa tombe.

Essayez, juste pour voir.

jeudi 1 octobre 2009

El veredicto

Une chose tres importante que j'integre de mieux en mieux, et dont je voudrais que vous vous rendiez compte, c'est que la Colombie c'est Double-Face. Jusqu'ici on a vu pas mal de choses chouettes, de jolies fleurs, de papillons qui dansent le merengue et autres chontaduros. D'un autre coté, vous avez aussi fait la connaissance de la bande Pablo Escobar, guerrilleros, ladrones, frissons et compagnie. Mais je crois que je suis tombée dans le travers du touriste: ne parler que du visage enchanteur, ou ne parler que de la bosse pourrie dans le dos. A partir de maintenant on va essayer de regarder Double-Face sans cligner des yeux, ni se mettre de la peau de mangue dedans. ll faut mettre en relation les éléments des deux faces, parce que ce qu'on trouve si on plonge la main au fond du sac, c'est que les uns sont la cause des autres. C'est que si les Colombiens sont nonchalants et désanchantés, mais qu'ils mordent dans leur journée jusqu'au trognon, c'est parce qu'a coté le voisin mange déja les pissenlits par la racine. Mais c'est pas évident de comprendre ca comme un tout, de mettre en relation toutes les choses qu'on voit.

Il va falloir qu'on parle plus de cette bosse, donc. On ne peut pas essayer de comprendre comment la Colombie est belle, sans l'avoir regardée quand elle n'est pas belle.

Pour étrenner notre nouvelle non-touriste-attitude, on va aller là où ne vont pas les ptits Américains, ni les ptits Francais. Mais pas tous seuls. Je vous présente Alfredo Molano, essayiste et anthropologue d'ici, très reconnu. Il sillonne la Colombie, parle aux gens et rapporte des chroniques et des témoignages de ce qui se passe la-bas très loin dans ces régions reculées, et aussi dans les villes, tout près.

On va faire comme ça: je vous traduis un article paru dans El Espectador de Bogota il y a 10 jours, et je vous explique le mieux possible tout ce dont il parle.

Le verdict

DANS UN ENDROIT DE LA GUAJIRA, dont je ne dois pas me rappeler le nom, il y a peu de temps, arriva ce que je vais vous conter.
A trois heures de l'après-midi arrivèrent à la ranchería cinq alijunas, c'est-à-dire, des gens qui ne sont pas nés de mère wayúu.
Les wayúu, c'est une tribu indigène qui vit dans la Guajira. C'est ce machin vert, tout là-haut.



Et les rancherías, c'est ça: de grandes maisons perdues dans un désert d'âmes, avec des gens qui fabriquent et traficotent Dieu sait quoi, et arrivent à en vivre plutôt décemment.

Ils demandèrent de la bière glacée et de l'essence, sans saluer. La première chose est habituelle, la seconde, une offense. Ainaka les servit, une femme jeune, jolie, vêtue d'un manteau jaune brûlé. Elle resplendissait. Elle s'ornait souvent de parisi, un champignon qui prévient les brûlures du soleil. Son mari parcourait la basse Guajira comme trafiquant. Il est commerçant: il emmène des chèvres et il rapporte du fil Carmencita avec lequel sa femme tisse de chinchorros et des mochilas.

Les chinchorros: ce sont des hamacs.



Les mochilas: tout le monde a sa mochila ici, super pratique, tout rentre dedans et ça ne se casse jamais.



Elle servit les tonitruants étrangers deux tournées de bière sans croiser leur regard. Non par honte, mais par superbe. Ils buvaient en se balançant sur des chaises de bois appuyées contre un mur blanc. La chaleur semblait enracinée dans le sol. De temps en temps soufflait à peine une petite brise, qui leur soulevait les plis de la chemise à demi-déboutonnée et découvrait les pistolets qu'ils portaient.

C'est là qu'on comprend de qui on est en train de parler. Les narcos ont du style ici, et tous le même. Si vous en croisez un, dites-lui "¿qué hubo?" de ma part (c'est une manière de saluer), vous ne pourrez pas les rater. Ils sont petits, gros, gras, vulgaires, fument un cigare de la Havane, ouvrent à demi leur chemise histoire qu'on voie leur torse de mâles virils, et accessoirement leur chaîne en or massif, portent le pistolet à la ceinture (mais il est caché par les plis de leur bedaine) et sont accompagnés de la femme la plus spectaculaire que vous ayez jamais vue, parce que c'est celle à qui il reste le moins de parties originales. (Quand on a les moyens, on va pas se priver, après tout elle ne dit pas non à un peu de silicone par-ci par-là, ou partout).

Quand le soleil déclina, s'en vinrent des amis à elle, qu'elle salua d'un ¡ waré ! amical. Mais ils ne demandèrent pas de la bière, sinon une bouteille d'Old Parr (c'est du whisky) qu'ils burent nature, à petites gorgées, dans des coupettes de plastique en renversant la tête en arrière. Les alijunaes et les wayúu ne se regardaient pas: ils s'observaient, se surveillaient, s'étudiaient. L'air était pesant. La jeune femme baissa la grille de la vitrine et continua à servir, défiante. Les alijunas demandèrent de la musique. Un tourne-disque gigantesque commença à faire entendre des vallenatos en boucle.

Le vallenato, ce sont des chansons du nord de la Colombie, qui ne parlent que d'amour, et qui se dansent très, très serrés dans une ambiance tamisée à la bougie avec une odeur de rose flottant dans l'air. Idéalement, bien sûr. Faute de mieux, ça marche aussi dans les discothèques, juste après un reggaeton brûlant. Mais ça, je vous en parlerai une autre fois.

Cela ressemblait à une trêve. Le whisky réchauffait les viscères, la bière déliait les langues. Provocateurs, les étrangers demandèrent aussi de l'Old Parr. La jeune femme refusa avec un non qui sonna comme un coup de feu, un frontière entre ceux d'ici, et ceux de là-bas. Ils insistèrent avec une tirane paisa qui était presque une déclaration de guerre. Ainaka, en silence, ferma les portes de la boutique. Les wayúu en silence se retirèrent l'un après l'autre. Les alijunas restèrent. Ils allumèrent la radio de leur camion à plein volume et au lieu de vallenatos mirent des corridos norteños.

Ca, c'est la musique officielle des narcos. Elle leur serine avec complaisance que c'est eux les plus beaux, les plus forts, les plus riches, les plus extraordinaires de tous. Puéril, peut-être, en tout cas véridique.

Ils débouchèrent une bouteille de rhum. Une heure plus tard, il n'y avait plus d'alcool. Ils cognèrent aux portes de la boutique. Ils cognèrent encore. Ainaka ouvrit une petite fenêtre. Un bras puissant parvint à l'attraper par le cou: Tu vas nous servir, ou non? Silence. Une autre main rapide fit étinceler un couteau. Le sang d'Ainaka jaillit sur l'assassin.


Oui, ça n'a ni sens ni fondement. On l'a pas vu venir. La raison profonde, c'est que la Guajira est pleine de terres inoccupées, ou seulement par les tribus. Pour les narcos, c'est un territoire à s'approprier pour agiter leur hochet de pouvoir au nez des gens. Ils faut qu'ils se sentent maîtres pour se sentir bien.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que quand on est narco, on sait que, peu importe de quelle façon, on va finir mal. Alors vous comprenez, la vie, il faut l'aplatir sous ses pieds pour bien montrer qu'on l'a dominée quand on était au faîte.


Le vent salé réveilla le village. Les cris retentirent de tous côtés: "Ils ont égorgé Ainaka! Ils l'ont égorgée!" La vengeance s'attroupa. Les longues armes se chargèrent. Les portables sonnaient. Toutes les rancherías restaient en alerte: cinq paisas ont tué une wayúu. Les petits chemins se fermèrent. Les paisanos mourraient d'une balle ou ils mourraient de soif. Près d'une salineta, à côté d'un cimetière, le piège était armé.
Vous voyez ces grands amas de sel? C'est ça les salinas. Una salineta, c'est une petite salina. L'exploitation du sel est l'activité économique la plus importante dans la région. Les Wayúu ont proclamé Manaure (une partie de la Guajira) leur territoire ancestral. Le gouvernement le leur a reconnu en 1991 et a conclu un accord qui organise la production et le travail sous un régime d'économie mixte, où les indigènes ont droit à 25% des stocks de la compagnie SAMA: Sociedad Salinas de Manaure. Le gouvernement leur a fait pas mal de misères pour appliquer leurs droits en pratique, bien sûr, mais finalement ça s'est arrangé avec une loi en 2002 qui distribue les gains.
Les cinq hommes perçurent l'embuscade. Dans un virage, le camion se renversa et resta les quatre fers en l'air. La chaleur pressa les assassins, jusqu'à ce qu'ils sortent respirer. Les wayúu les regardaient. Ils regardaient, seulement, avec mille yeux. Le soleil fit de même. A deux heures de l'après-midi les couteaux se plongèrent dans les jugulaires des alijunas. Las alaulayuu, les autorités les plus respectées, donnèrent leur verdict: "Les femmes et les enfants ne se touchent dans aucune guerre; les paramilitaires ne pourront revenir traverser Cuatrocaminos pour aller au nord".