mardi 27 avril 2010

Quito, mi flechazo

8h de bus et un bon flux d'adrénaline plus tard, nous voilà à Quito.
L'adrénaline, parce que mes voisins dans le bus ont trouvé pertinent de me raconter les mésaventures des petits Français à Quito. Ca commence comme ça: "Aaaah... je crois qu'il y a eu une histoire l'an dernier..."
Petite Française en question: "...une histoire?"
Voisin pertinent: "Oui... dans le terminal de bus... je crois qu'il l'ont tuée..."
Second voisin pertinent: "C'était bien une Française, hein... et il y en avait eu un autre trois mois plus tôt..."
Petite Française en début de stress: "Ah... et pourquoi? histoires de politique?"
Voisin pertinent: "Nonnon, comme ça... pour les voler..."
Petite Française en franche panique: "Glups."

Comme j'avais le temps de le ruminer, mon plan de survie était peaufiné à l'arrivée (il inclut marcher vite mais sans avoir l'air de courir pour ne pas attirer l'attention, en regardant vos pieds de préférence mais toujours en surveillant que personne ne s'approche ou ne vous suive). Je ne sais pas si c'était utile, et ne le saurai jamais, mais j'ai finalement repéré un chauffeur de taxi avec une tête qui m'inspirait confiance, donc je lui ai sauté dessus et hop, c'était parti. Là il faut lui faire la petite conversation pour voir à qui vous avez affaire, si jamais vous devez descendre du taxi c'est le moment où jamais, mais lui il était vraiment bien.
Pour vous livrer mon expérience, je crois qu'on peut bavarder tout ce qu'on veut, on ne se rend pas compte quand c'est des pirates qui vont vous balancer un gaz abrutissant en diagonale arrière pour vous faire sortir toutes vos économies du compte en banque; on se rend pas compte quand c'est des méchants, mais on sait quand c'est des gentils. C'est stratégiquement inutile, je vous l'accorde; mais ça vous rassure quand vous tombez sur le gentil. Donc j'ai pu profiter de ma traversée de Quito tranquillement, et ça valait la peine.
On est passé par des monts et des monts, tous recouverts intégralement de petites maisons grises et rouges serrées les unes contre les autres, tellement qu'on se demande où passent les sacs des courses, avant de se rappeler qu'il n'y a probablement pas beaucoup de sacs de courses. Quito s'étend comme ça sur des kilomètres et des kilomètres autour du centre, et comme c'est dans les montagnes, c'est très impressionnant.
J'avais une adresse d'hostal bon marché, qu'on n'a pas trouvé, donc je suis descendue sur l'avenue dont je savais qu'elle était pleine d'hostales et j'ai marché jusqu'à en trouver un (ai trouvé vite, Bouddha soit loué). Je n'avais qu'une nuit à passer toute seule à Quito, le lendemain j'allais retrouver mon prof et maintenant mon chef, Juan, et des copains de l'université avec qui on allait participer au premier modèle de l'ONU tenu en Amérique Latine.

Comme promis, je les ai retrouvés le lendemain dans leur hostal, tout mignon et pas si loin du mien, et on est partis se balader dans le centre historique de Quito, dont vous avez la première image en haut.


La place centrale de Quito. C'est ici même que les colons espagnols ont fondé la ville, à peu près au milieu du XVIe siècle, avec les prêtres, les indigènes, les soldats, les chevaux, les vaches et les chiens. C'était tout un rituel, avec sacralisation de la terre, recommandation de leur destin à un saint, à Dieu et au Roi d'Espagne et tout le toutim.
Ils avaient des instructions super précises sur la manière de construire les villes: l'église devait faire face à l'Ouest, et la maison du cabildo, le conseil de la ville, devait être en face et ne pas dépasser l'église, et les pâtés de maisons devaient être carrés, et une ségrégation sociale installée d'entrée de jeu, parce qu'on ne va quand même pas mélanger Monseigneur-Très-Saint avec ces gueux d'indigènes, même si on est prié de leur donner un lopin de terre à contre-cœur.
C'était la place où tous les événements importants de la ville prenaient place, les fêtes, les marchés, les jugements, les bagarres, les soûleries, les pendaisons. Au XXIe siècle, c'est l'endroit indiqué si vous êtes:
a) un ménage heureux avec ses 3 enfants mais qui voudrait quand même avoir un peu la paix pour s'asseoir sur un banc et raconter des potins avec les autres copains dans la même situation
b) un petit vieux tout ridé qui connaît toutes les relations de parenté du quartier et même d'ailleurs et qui aime voir passer les pigeons dans la fontaine (ça c'est l'excuse pour faire le guet et alimenter ensuite les potins de la catégorie a)
c) un groupe de gamins aux mains lestes en quête d'appareil photos dans les poches de ces grands benêts de gringos. Vanessa y a laissé le sien, au bout de 10 minutes.
Le centre est entouré de montagnes. On est très haut, en fait.
Une maison coloniale, mais pas de n'importe qui, hein. Ici logeaient les membres dudit cabildo.

J'adore ces petites cours intérieures avec les arbres. J'en veux une pareille quand je serai grande, belle et riche.
Ce petit monsieur avec l'uniforme d'officier de la marine vendait une espèce de liqueur absolument délicieuse, épaisse mais pleine de mousse, dont je n'arrive pas à me rappeler le nom.

Une autre place de Quito, à trois minutes à pied, avec une autre église. Ah oui, je ne vous ai pas dit, Quito est truffé d'églises partout, et elles rigolent pas: il y en avait une dont l'intérieur était in-té-gra-le-ment tapissé de feuilles d'or, autel et tabernacle y compris.

Il était poétique en lui-même, cet artiste. Je soupçonne qu'il était étranger, mirele la pinta (regardez sa bobine).
Voilà ce qu'il dessinait. Si vous descendez cette rue dans le fond vous arrivez à la place principale.
Sara, colombienne jusqu'au bout des doigts.
"Sur les toits de Quito où je vis avec toi, quand j'attends ta venue mon amie... lalala". Adaptation nostalgique de Charles Trenet.


La plupart des mendiants sont des indigènes ici. L'Equateur est un pays beaucoup moins métissé que la Colombie, la grande majorité de la population a des traits fortement indigènes.

De gauche à droite, Ricardo, Camila, Alejandra et Silvana, en route pour une autre église.
Et maintenant, le Quito dont je vous parlais au début. On est monté sur le mont de la Vierge, une statue immense qui garde Quito, vers la fin de l'après-midi.
La vue à mi-chemin...
La fameuse Vierge! toute bizarre, penchée et sournoise, si vous me demandez mon avis.
La vue de tout en haut.


C'est tout ce que j'avais traversé la veille en venant.

De l'autre côté. J'ai l'humeur chantante aujourd'hui: Jack and Jill went up the hill to fetch a buck of water...
Mais je suis toute seule, ils ne connaissent pas la chanson et en plus il commence à faire super froid. On va redescendre, continuer dans le centre et boire un canelazo!!
C'est une boisson chaude délicieuse qu'il font ici: jus de lulo ou de mûre, et aguardiente bouillant. On en avait besoin; on est resté 2h assis dans une petite cour derrière la marmite fumante, on en a redemandé deux fois, et on a bien rigolé. Ici, de gauche à droite, Juan (mon chef et prof), Melissa, Camila et Sara.
Pique-nique dans la salle de l'hostal où on est restés toute la semaine, le temps du modèle.
Juan faisant la vaisselle, on m'a demandé instamment d'immortaliser le moment. Il est génial, Juan: il a 25 ans, diplômé d'une excellente université allemande, parle 4 langues couramment, brillant politologue et très bon prof, et avec ça d'une humilité à peine croyable (et vraiment pas nécessaire pour quelqu'un de sa pointure). C'est mon prof et mon chef, mais c'est aussi de plus en plus mon ami. Bienvenue en Colombie.
Mon dernier jour à Quito, après le modèle. Je me baladais avec Ricardo, un bon copain, que j'ai découvert en partageant la chambre avec lui, et qui connaît bien la ville.

Le parvis d'une autre église... Là j'étais avec les Américains rencontrés au modèle. Les Colombiens sont partis le samedi dans l'après-midi, en avion, mais moi comme je rentrais en bus je préférais partir de jour, donc je suis restée une nuit de plus et je l'ai passée avec les gringos.
Dernière vue de Quito. Qui est la même que la première (remarquez l'éclatante symétrie de ce message). :D

lundi 26 avril 2010

Say hello to the Pacific

... and run for your life.
Première vue du Pacifique, en Equateur!! Le Pacifique, c'est beau. Mais il faut choisir son endroit pour faire sa rencontre. Montañita, capitale du surf de l'Equateur (et en fait petit village de 200 habitants en saison forte), n'est pas l'endroit indiqué, surtout pas à Noël quand il est rempli d'Argentins (explication d'Alejandra pur jus caleño).*

* Note importante: ceci n'est que le transfert sur le papier des préjudices racistes que ces Latinos s'inventent parce que c'est vraiment trop ennuyeux de se reconnaître dans les autres et qu'on s'amuse beaucoup plus en se tapant dessus qu'en bossant sur une intégration économique de l'Amérique du Sud. Moi je n'ai pas aimé Montañita, mais je n'en blâme pas les Argentins.

La petite carte pour le bénéfice de votre orientation: Montañita, c'est le petit rond violet. Je vous explique le pourquoi du petit rond rose ensuite, et pour le rond vert, je vous présente Quito, la capitale équatorienne.




Revenons aux choses importantes: la mer de l'autre côté de celle que je connais. On est partis de Cali, Alejandra, Guillaume (un Français qui vit à Cali aussi) et quelques copains de Guillaume. On les a laissés à Pasto, une ville du sud de la Colombie, et Alejandra, Guillaume et moi sommes partis passer la frontière en bus, direction Montañita. Mais c'est pas si facile, il faut passer par Quito (le terminal de bus de Quito est réputé le plus dangereux d'Amérique Latine. On y est passé à 3h du matin, en courant avec nos sacs pour monter dans un bus pour Guayaquil aussi vite que possible) et ensuite Guayaquil, et ensuite, attraper des petits bus sur la route pour qu'il vous remontent jusqu'à Montañita en cahotant comme ils peuvent et en crachant leurs poumons pleins d'essence. Les trois premières heures de la descente Quito-Guayaquil sont à couper le souffle, des montagnes magnifiques et des collines toutes perdues, mais c'est la seule chose qui m'a impressionnée. Tout le reste faisait sale et abandonné, et ça puait en plus. C'est dommage que ce soit tout ce que j'ai vu des routes d'Equateur, parce que je sais qu'il y a des endroits superbes.

L'arrivée est pittoresque: petit village avec les rues en sable, des Noires cambrées plantées devant leur étalage de bijoux en coquillages qui fleurètent avec les hippies barbus d'en face accroupis devant leurs pipes à marijuana en bois ou en os et leurs colliers de chamans à plume. Tout le monde à l'air d'être en suspens, ou sur une autre planète, où ce qui importe c'est de cuire un peu la peau au soleil et de gagner les 8 dollars qu'il faut pour vivre chaque jour. Et pour le reste... joue de la flûte, bois du lait de coco, mange des fruits de mers et mets les doigts de pied en éventail dans l'eau.

Mais d'abord, on va chercher où se loger. On n'a pas beaucoup de sous, hein, on est venus profil bas parce qu'il faut économiser pour Quito ensuite qui est plus chère. Donc pas à plus de $5 la nuit. Ce qui veut dire, petit hostal en bois qui craque monté sur des pilotis, et une surprise dans la nuit, je vous raconte ça ensuite.


La vue du "balcon"...



Et le Pacifique! Une promenade?



A part les quelques maisons qu'on voit les pieds dans le sable, c'est la jungle vierge. La côte équatorienne n'est pas colonisée par l'homme encore; tout au plus elle est squattée par les gens qui ne savent pas où se mettre et tentent une vie comme ils peuvent en cultivant un lopin de terre qu'ils ont déblayé eux-mêmes.


Cela dit, Montañita c'est tout de même une capitale, même si c'est de surf: c'est un nid à touristes et à étrangers. Tous jeunes, beaux, désoccupés et musclés. Sans rigoler.

Ce qui m'amène à la raison pour laquelle je suis partie au bout de trois jours, en courant.

Je vous introduis à deux idées très importantes, pour le moins en Colombie:
1. La farandula (ça c'est carrément un concept)
2. Les Argentins, ce sont de très belles, prétentieuses et hautaines gens qu'il vaut mieux ne pas trop fréquenter. Et en plus, leur accent est ridicule.

La farandula, c'est à peu près ce que nous on appellerait la jetset. Les gens qui connaissent tout les membres du cercle des petits papiers, qui sont très beaux (mais à 50% refaits) et qui ont le sens du style, vous comprenez. Alejandra peut dire ce qu'elle veut, elle était comme un poisson dans l'eau dans ce milieu.

Moi je me suis rarement sentie tellement mal juste à cause d'une ambiance. Mais imaginez-vous tous ces gens surfeurs ou qui font semblant de l'être pour l'attitude, qui déambulent en maillot de bain qui exhibe leur corps parfait et bronzé, et vous toisent des pieds à la tête avec l'air de penser: "c'est tout ce que tu as à offrir?" Je n'exagère pas.

Et pour terminer de me faire fuir, tout ce beau monde s'adonne à deux uniques activités pendant des jours et des jours: être assis sous un soleil de plomb sur la plage pendant la journée, boire du Zhumir (l'alcool local, super bon en passant) et manger des crabes, et pendant la nuit déambuler dans les rues en buvant des cocktails et en dansant de temps en temps aux battements des tambours des Noirs. On s'éclate la première fois; on le savoure la seconde avec un petit arrière goût de déjà-avalé; on se lasse la troisième; on se cache sous l'oreiller la quatrième.

Guillaume et un de ses bons copains français qu'il a retrouvé par hasard ici (le monde est un mouchoir de poche, et Montañita c'est le petit coin brodé en bleu) et Alejandra, avec ces fameux cocktails à 3 dollars chacun.


Et la surprise dont je vous ai parlé, quand on revient dans sa petite chambre en bois à 3h du matin: il y a 50 grillons sur le lit, 60 dans le lavabo, c'est l'époque des plaies, comme en Egypte. Et pas n'importe quels grillons: la taille de mon majeur pour les gringalets. Et ces machins ne sont pas pacifiques, eux (haha): ils vous attaquent et se fourrent sous le T-shirt et c'est l'enfer.

Bref, avec tout ça, le troisième jour j'étais assise sur la plage, en train de chercher une issue et j'envisageais m'en aller toute seule pour continuer sur la côte avant de rallier Quito pour le modèle de l'ONU auquel on a participé avec des gens de l'université. Mais est arrivé mon prince sauveur, sous la forme d'un couple de filles qu'Alejandra connaissait, Pilo et Viviana. Elles étaient là avec d'autres amies, Verónica et Diana, et aussi Pacho et Kelly. Pilo m'a dit "On part pour Salinas (PETIT ROND ROSE!!) dans une demi-heure, tu viens?" Je lui aurai sauté au cou. Donc je suis partie faire ma valise (c'est-à-dire, mettre mon paréo et ma crème solaire dans une poche extérieure du sac), j'ai dit au revoir à Alejandra et Guillaume et suis partie heu-reuse.


Sur cette photo, Pacho (c'est le diminutif de Francisco) dans le fond, à droite Veronica et Dianis, au centre Viviana. Là on était dans un hôtel à Salinas, très bon marché aussi, joli, de bons lits et surtout pas de grillons. Cette soirée -là c'était super sympa, on a joué aux cartes un moment et puis on est sortis discuter sur la plage dans la nuit.
On s'est super bien entendus tous les 7. On a passé 2 jours à Salinas; plus grand que Montañita, plus balnéaire aussi, mais il y avait le plus important: je ne me suis pas sentie écrasée comme un moustique par la farandula.
Et puis c'était joli, tout de même.



J'ai bien aimé ce bonhomme sur son pédalo. Il n'avançait pas bien vite mais il avait l'air de se marrer.
Mes ptits doigts de pied.
Ha, j'étais tranquille en train de bouquiner Cien años de soledad, l'immense roman de Gabriel Garcia Marquez que je vous recommande en passant, quand celui-là m'est tombé du ciel et a voulu me couvrir de colliers de perles roses et de boucles d'oreilles jusqu'à ce que je ne dépasse plus du tas. Mais j'en avais déjà tout plein, alors au moins je lui ai pris une photo.
Encore mes doigts de pied, j'avais l'âme artistique ce jour-là.

Et celui-ci voulait me vendre de l'huile pour faire bronzer ma p'tite peau blanche de Franchute (le surnom affectueux mais un peu moqueur des Français ici), mais moi je la trouvais assez rouge comme ça. Je lui ai demandé si par hasard il avait pas une huile qui me donnerait la couleur de sa peau (elle était chouette, toute chocolat), et il a rigolé. Alors j'ai aussi pris une photo avec les deux petiots.
Le jour d'après, on est repartis tous ensemble a Guayaquil, et on s'est séparés là: j'ai continué toute seule vers Quito, et eux vers le sud, pour essayer d'atteindre le Pérou, Cuzco et Macchu Picchu.